Il parait qu'on vit dans un pays libre. En France, comme dans
d'autres pays occidentaux, nous jouissons de nombreux droits. Nous
nous sommes battus pour obtenir le droit de réunion, de grève, la
liberté d'expression, de culte, entre autres.
Ce qui me rend
triste à l'heure actuelle, c'est que ces libertés semblent se
restreindre.
Avant de continuer plus avant, et de peut-être provoquer chez toi,
lecteur, colère, exaspération ou haussement d'épaules, je vais
préciser quelques points me concernant. Même si ce que je suis n'a aucune influence sur la pertinence ou non de mon propos.
Je suis féministe. Le genre qui ne comprend pas pourquoi les
femmes sont traitées différemment des hommes. Pourquoi les
paye-t-on moins pour le même travail? Pourquoi les voile-t-on?
Pourquoi limite-t-on leurs déplacements en leur racontant que si
elles sortent tard le soir, elles risquent de se faire violer? A
vérifier, mais il paraitrait que les victimes de violences dans les
rues soient très majoritairement les hommes.
Je suis également croyante. Le genre qui ne va pas te faire
chier, toi, l'athée, ou toi, qui a une foi différente de la mienne.
Parce que je crois profondément que la foi est personnelle. Et que
religion, étymologiquement, signifie relier les hommes. Je tends à
penser que la religion a de tous temps servi à établir des règles
de vie en société. Les religions qui m'intéressent le plus sont
celles qui mettent en contact le plus directement possible les croyants et
leur(s) dieu(x). C'est te dire si le catholicisme, la religion dans
laquelle j'ai grandi, et sa hiérarchie me paraissent absurdes.
Pour finir de parler de moi, je t'avouerais que je suis tiraillée
entre anarchisme et libéralisme. Je crois fermement que l'esprit
d'entreprise est une belle chose. Et que la responsabilité
individuelle structure l'individu.
Pour revenir à mon sujet d'inquiétude, je vais te raconter ce
qui me perturbe dernièrement.
J'ai été prise à partie ces derniers temps par des personnes
qui me sont chères. Sur mon manque d'engagement. Sur mes
interrogations à propos du judaïsme. Sur mes blagues douteuses.
Je ne suis pas misogyne, mais je fais des blagues lourdingues sur
les femmes (et même, j'en ris!).
Je ne suis pas antisémite, mais
je trouve la façon des ultra-orthodoxes de traiter les femmes pas
très sympathiques.
Je ne suis pas homophobe, mais je n'ai pas
envie de faire taire les anti-mariage gay.
En gros, je suis
pour la liberté d'expression.
Tu vas peut-être me répondre que les mots blessent. Que parfois
même, ils rendent les individus si malheureux qu'ils les poussent
aux pires extrémités. Je suis tout à fait d'accord. J'ai été
dans ce genre de situation où une phrase m'a traumatisée pendant
des années.
Cependant. (là je sais mon propos va peut-être sembler
extrême) Cependant, nous avons la chance de jouir de la liberté
d'expression. Nous tous. C'est-à-dire nous qui sommes d'accord entre
nous, et les autres. Ceux qui ont d'autres idées, opinions ou
croyances.
Parfois, quand j'entends certains de mes amis, j'ai l'impression
que la liberté d'expression, ce n'est que pour ceux qui sont du même
avis que nous. Ceux qui pensent différemment sont des imbéciles
(pourquoi pas) et doivent se taire, voire mourir (oui, j'ai lu ce
genre de propos). Et ça me pose problème.
La liberté d'expression, ça vaut pour tous. Pour toutes les
idées, même celles qui ne nous plaisent pas.
Aux États-Unis (je sais, ce n'est pas toujours un pays
exemplaire), toute parole est autorisée, libre.
Ce qui me plait dans le
fait de laisser toute idée libre de s'exprimer, c'est que ça libère
le débat. Si je sais ce que pense l'autre, je peux parler avec lui,
lui opposer des arguments, essayer de le convaincre qu'il a tort.
Évidemment, il peut faire de même. Mes arguments devront donc
être solides.
Et puis, si chacun a le droit de dire ce qu'il pense, ça
permet aussi de savoir qui a des idées extrémistes. Pour un État,
c'est intéressant, ça permet de repérer les éléments dangereux.
Tu me rétorqueras que les extrémistes intelligents se
cacheront. Certes.
Moi je te répondrai que parler n'est pas agir (oui, des fois, je réponds des trucs à côté de la plaque. Ça déstabilise. J'aime bien.).
Bon, je parle, je parle, mais j'aimerais bien savoir ce que tu en
penses.
Pour conclure, je te dirais qu'il y a quelques années, j'étais
une fille aux nerfs à vif. Je ne supportais pas la contradiction.
J'avais l'impression que quelqu'un qui n'était pas de mon avis
remettait en cause ma personne. Depuis, j'ai appris la tolérance.
J'essaie de comprendre pourquoi une personne pense ce qu'elle pense,
quelle est son histoire. Ça me permet de discuter avec elle et de
trouver des arguments pour la faire changer de point de vue (au sens
premier du terme).
Et puis, traiter les gens d'abrutis ne les a jamais convaincus
qu'ils avaient tort.
Et puis, qui m'empêche de passer mon
chemin quand je n'ai pas envie d'écouter ce que je considère comme
de la connerie en barre ?
Et puis, la liberté, c'est une belle valeur, non? (Han la la, ça y est, je suis devenue une hippie!!)